Ces seaux sont à rapprocher de deux seaux à bouteille en porcelaine de Saint-Cloud dont les anses sont également en forme de dauphin et dont la décoration est très proche, l’un passé en vente publique en 1971 (étude Couturier-Nicolaÿ, Paris,
29 octobre 1971) puis exposé au musée municipal de Saint-Cloud en 1997
(catalogue d’exposition, La Porcelaine de Saint-Cloud, 30 septembre - 30 novembre
1997, n° 59), l’autre faisant partie de l’ancienne collection Wenz (vente Paris,
étude Ferri, 16 juin 1993, lot 20) puis illustré par Bertrand Rondot dans
le catalogue de l’exposition à New York en 1999, dans lequel l’auteur identifie
une gravure de Bacqueville publiée entre 1704-1709 comme ayant servi de source
pour la décoration de ces deux seaux (B. Rondot, Discovering the Secrets of Soft
Paste Porcelain at Saint Cloud Manufactory, c. 1690-1766, Bard Graduate Center
for the Studies in the Decorative Arts, New York, 1999, p. 27, fig. 1-9 et 1-11).
Il est possible que ces quatre rafraîchissoirs aient pu ainsi, peut-être, constituer
un ensemble au XVIIIe siècle.
Deux autres seaux à bouteille, l’un conservé à la Cité de la Céramique de Sèvres,
l’autre au musée Adrien-Dubouché de Limoges et deux seaux à verre conservés
au musée de la céramique de Rouen sont décorés en bleu de dauphins autour
de corbeilles fleuries et formaient probablement tous les quatre également
un ensemble au XVIIIe siècle (le seau de la Cité de la Céramique reproduit par
F. Labayle, La Porcelaine de Saint-Cloud, 1982, p. 15 ; je remercie Bernard
Dragesco de m’avoir rappelé son existence ; les seaux à verre du musée de Rouen
illustrés par B. Rondot, op. cit., p. 143, no 38).
Les dauphins évoquent-ils l’Eau que contenaient ces seaux ? La présence
régulière de dauphins sur les fontaines en faïence permet de le penser.
Ou bien
sont-ils une allusion à la naissance du Dauphin en septembre 1729 ? Le roi Louis XV
offre à Marie Leszczyńska un nécessaire en porcelaine du Japon et en vermeil
pour célébrer cet événement. Plusieurs éléments de ce nécessaire, aujourd’hui
conservé au musée du Louvre, sont ornés de dauphins (illustré par G. Le Duc,
Porcelaine tendre de Chantilly au XVIIIe siècle, 1996, p. 30).
Un demi-siècle
plus tard, lors de la naissance du fils de Louis XVI et Marie-Antoinette,
un nombre important de porcelaines de Sèvres évoquent soit dans le décor,
soit dans la forme, l’arrivée de ce Dauphin (voir par exemple le gobelet dauphin
que nous vendions avec PIASA le 3 décembre 2002, lot 95).
En 1729, la manufacture
de Saint-Cloud est la seule manufacture de porcelaine en France capable
de réaliser des objets de cette taille et qualité.
Bernard Dragesco vient de révéler la découverte par lui des secrets de la fabrication
et de la composition de la porcelaine de Saint-Cloud (“How was Saint-Cloud
porcelain made ?”, conférence du 13 avril 2012, Londres, en l’honneur de Dame
Rosalind Savill, publication à venir). Ces documents découverts mentionnent
notamment que la manufacture de Saint-Cloud introduit une nouvelle pâte
plus blanche qu’auparavant autour de 1718-1720. Nos deux seaux n’ont pas
la teinte légèrement verte ou jaune des porcelaines de Saint-Cloud datables
des deux premières décennies du XVIIIe siècle mais plutôt la blancheur des
pièces postérieures à 1720. Pour cette raison et pour des raisons stylistiques,
une datation entre 1715 et 1735 nous semble plus vraisemblable que la datation
autour de 1710 précédemment suggérée.
Il est donc possible que ces seaux
et ceux que nous citons ici célèbrent la naissance de Louis de France en 1729
mais il s’agit là d’une simple hypothèse.
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