Ce groupe, dénommé Le Combat des scarabées et les trois
figures suivantes nommées Amours au papillon font partie
d’un ensemble de figures et groupes réunis sous le titre
des Enfants de l’histoire naturelle ou également Les Petits
combattants.
L’idée originale d’associer à la porcelaine
des papillons et insectes revient à Jean-Jacques Hettlinger,
co-directeur et inspecteur de la manufacture de Sèvres à
partir de 1784.
Hettlinger, originaire de Winterthur en Suisse, commence sa carrière comme médecin dans les mines de Baigorry en
Navarre en 1756 et devient Inspecteur général des mines
de Navarre ; dans le même temps il étudie les sciences
naturelles, publie des articles sur l’entomologie et devient
membre de l’Académie des sciences de Lisbonne et de la
société de physique de Zurich.
Dès la fin des années 1770,
Hettlinger réalise des marqueteries de plumes d’oiseaux
sur des dessus de boites. Il fait présent au Roi Louis XVI
en décembre 1779 de « deux tabatieres ornees d’oiseaux
faits avec des plumes naturelles ». En 1788, Hettlinger
vend personnellement lors de l’exposition annuelle de
porcelaines de Sèvres à Versailles un grand nombre de
ses ouvrages constitués principalement de boutons,
médaillons, tableaux, plateaux et dessus de boites ou
encore des pièces ovales et rondes vendues à Thomire et
madame Lignereux pour dessus de chiffonière en 1789. Un
médaillier estampillé de Benneman, acheté par Louis XVI
vers 1788, aujourd’hui conservé au château de Versailles,
est décoré d’une marqueterie d’Hettlinger formée de
plumes d’oiseaux et d’ailes de papillons pris dans la cire.
Un plateau octogonal de guéridon décoré de trois oiseaux
sur des branches, faits en plumes d’oiseaux, aujourd’hui
conservé au musée Ephrussi de Rothschild à Saint-
Jean-Cap-Ferrat est un autre exemple des réalisations
d’Hettlinger.
A partir de 1785, il réalise en collaboration avec Louis
Simon Boizot des groupes et figures formés d’enfants
associés à des papillons ou insectes. Ils sont détaillés sur un
registre de révision de prix de sculpture en 1787 conservé
aux archives de Sèvres et comprenaient : « les enfants aux
scarabées, les enfants aux papillons, le guêpier, le guerrier au
casque, le guerrier à genou, le chasseur au cornet, le chasseur en
embuscade, le guerrier au bouclier, la légèreté, Zéphir dans un
char (ou amour au char ou char à papillon) », et également
« l’inconstance fixée, la fidélité délaissée », ces deux derniers
décrits comme étant des chiens (Arch. MNS, Y19, f° 56).
L’inventaire des moules mentionne également un « groupe
du combat des scarabées » (Arch. MNS, V3, l1).
Deux « enfans au papillon » sont présentés au roi Louis XVI
le 20 décembre 1785 à Versailles à 72 livres (Arch. MNS,
Eb1, d8). Puis ces figures et groupes apparaissent dans les
registres de ventes de la manufacture de Sèvres à partir de
janvier 1786 à des prix variant entre 48, 72, 96 ou 120 livres
et décrits comme : « enfants papillons et bocaux, enfants aux
papillons, Amour aux papillons, groupe aux papillons, groupe
insectes, char à papillon ».
Parmi les acheteurs figurent
notamment la comtesse de Provence, le comte et la comtesse
d’Artois, Madame Elisabeth, la princesse de Lamballe, le
duc de Liancourt, le comte de Narbonne, la duchesse de
Devonshire ou le comte Fernand-Nuguès (sic).
Les comptes de Jean-Jacques Hettlinger conservés aux
archives de la manufacture de Sèvres font apparaitre un
achat de 200 papillons chez Dolmer à Metz en mars 1788
pour 72 livres.
Un seul groupe décrit comme « groupe enfants scarabées » semble
figurer dans les registres des ventes. Il est vendu au prix
de 360 livres réduit à 120 livres lors d’une vente publique
organisée dans le magasin parisien des marchands
Daguerre et Lignereux rue Saint-Honoré en avril 1793 en
même temps que trois « groupes papillons » à 120 livres.
Le groupe semble réunir un bon nombre des « enfans de
l’histoire naturelle » également réalisés isolément. Le socle
à fond bleu est très probablement un réemploi fait au
XVIIIe siècle d’un socle pour le groupe de la Toilette, dont les pendants sont les groupes de la Nourrice et du Déjeuner.
Ce groupe et les deux enfants sous globe sont très
vraisemblablement dans la même collection depuis la
fin du XVIIIe siècle ou le début du XIXe siècle. L’actuelle propriétaire de ce groupe se souvient encore de ses frayeurs
d’enfant, il y a quelques décennies, lorsqu’elle apercevait
les gros insectes alors encore présents sur le groupe.
Je remercie madame Tamara Préaud, ancienne directrice
des archives de la manufacture de Sèvres, pour son aide
précieuse dans l’identification de ce groupe et la maison
Deyrolle, rue du Bac pour ses conseils dans le choix des
insectes employés pour cette reconstitution.
Bibliographie :
Christian Baulez, « Un médaillier de Louis XVI à Versailles »,
Revue du Louvre, 3-1987, p. 174
Pierre-François Dayot, La Villa Ephrussi de Rothschild,
ouvrage collectif sous la direction de Régis van des Rives,
2002, pp. 184-186
Aileen Dawson, « Hettlinger and his feather pictures », The
French Porcelain Society Journal, vol. II, 2005, pp. 103-113.
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